Rodolphe BURGER & Serge TEYSSOT-GAY

Publié le par La gone de belleville

L'interview  date un peu mais bon, 2 bonhommes que j'admire qui parle de leur travail, forcement je ne pouvais pas ne pas apprecier
(merci à Krys de l'avoir mis en ligne sur le forum ND)


RODOLPHE BURGER & SERGE TEYSSOT-GAY

Cordes sans cible

A l'heure où chacun publie un nouvel album, le oud comme trait d'union aux deux disques, nous avons réuni Serge Teyssot-Gay et Rodolphe Burger, afin qu'ils évoquent leur soif de recherche et d'apprentissage, leur rapport intime à la guitare et à la musique. Un voyage au cœur de la création.

La rencontre coulait de source... Rodolphe Burger et Serge Teyssot-Gay sont deux noms incontournables de la scène rock française : en premier lieu, grâce aux groupes qui les ont révélés (Kat Onoma et Noir Désir bien sûr), mais aussi pour leur jeu de guitare, aussi personnel qu'identifiable. Depuis, leurs échappées solitaires sont autant d'occasion de se frotter à des projets exigeants et défricheurs. Déroutants et captivants. Aujourd'hui, les voilà partis, à leur façon, à la rencontre des musiques orientales... Serge et le joueur de oud syrien Khaled AlJamarani proposent "Interzone", album instrumental qui repose sur un dialogue sans compromis entre deux cultures et deux instruments ; Rodolphe livre quant à lui "Before Bach", où le oud de Mehdi Haddab (DuOud, Ekova) a facilité l'échange entre le rock et le chant d'Erik Marchand, qui s'inscrit dans la tradition des musiques bretonnes. Complicité et correspondances ne pouvaient qu'animer la discussion.

Noir Désir et Kat Onoma ont marqué le rock français, tout comme votre jeu de guitare, posé chez Rodolphe, plus vif chez Serge...
Rodolphe : Bien sûr on a des approches différentes, mais Sergio n'a pas qu'un seul registre. Il y a le Sergio aux riffs implacables et indispensables à Noir Désir, qu'il incarne jusque dans sa présence scénique, et le Sergio dans un travail de recherche et de rencontre. On se rejoint là-dessus finalement. Ceci peut s'expliquer par le fait que nous venions du rock et d'une expérience très forte de groupe. On s'est concentré dessus, on a cherché notre son, ça a été notre école. Puis un moment donné, la trajectoire des expériences ouvre à des choses qui donnent envie d'aller de se frotter à d'autres musiques. Si on se retrouve aujourd'hui à sortir un disque avec du oud, c'est parce qu'on s'intéresse aussi à l'approche des cordes de ses musiciens.

Est-ce que cette expérience vous a conduits à appréhender différemment votre instrument ?
Serge : Comme Khaled (AlJamarani) joue en acoustique sans passer par des effets ou une électrification de l'instrument, cela m'oblige à avoir un son adapté, plus fin, pour ne pas "tuer" le oud et que les instruments puissent se mélanger et se mettre en valeur. C'est juste une correction du son qui se fait toute seule, à l'oreille. Je ne change pas mon toucher.

Rodolphe, peux-tu expliquer comment Mehdi Haddab t'a permis de faire la transition entre le rock et le chant d'Erik Marchand qui évolue lui, dans une tradition bretonne.
Rodolphe : Pour que ce projet puisse fonctionner, on avait besoin d'un partenaire, d'une articulation. Par ses collaborations avec des musiciens roumains ou des Tarafs, Erik a montré qu'il y avait dans la musique traditionnelle bretonne des pratiques de tempérament musicaux et de modes qui sont tout à fait comparables aux pratiques orientales ou d'Europe de l'Est. Les musiques modales fonctionnent sans changement d'accord, ce qui fait qu'Erik chante dans des tempéraments inégaux. C'était à nous de trouver des solutions harmoniques qui restent modales. Mehdi était l'homme de la situation, car il connaît tout ça et qu'en même temps il est capable pour se défouler, de jouer du AC / DC. Pour ma part, je n'ai pas changé ma manière de jouer. Je suis comme Sergio, je ne fais pas de compromis. Mais je me rends compte que de plus en plus, j'aime être dans quelque chose de presque faux, proche du tempérament modal... Quand je joue avec James Blood Ulmer (NDR : bluesman américain atypique), il s'accorde d'une manière caractéristique, voisine d'un musicien africain, avec des harmonies, des cordes qui résonnent. On n'est pas dans une rectitude harmonique parfaite. Et ça, ça m'ouvre les oreilles et la musique !

Serge, qu'apprends-tu au contact de Khaled ?
Serge : Il me file des clés de compréhension, une approche de la musique orientale que je ne pouvais pas avoir auparavant, car pour apprendre, j'ai besoin de le pratiquer sur l'instrument. Mais "Interzone" n'est pas un disque de musiques orientales, étant donné qu'on reste tous les deux dans notre langage, avec des moments "Interzone" où l'on développe quelque chose en commun, comme une troisième voie. Khaled a une très bonne connaissance de la musique classique orientale, et européenne aussi. Par contre il connaît très peu ce dont moi je suis construit, le rock depuis... quarante ans on va dire. C'est un véritable échange. Il y a des fois où je vais sur son terrain, comme sur le titre d'ouverture. Et là j'ai du boulot à faire. Les tourneries, je peux comprendre que ça fonctionne en cinq temps ou plus. Mais je ne comprenais pas comment ça arrivait à s'enrouler. Ça repose sur les différents accents développés à l'intérieur du morceau, entre le début et la fin. C'est le plus important. Et ça, seule la pratique pouvait me l'apporter.

T'es-tu senti en décalage ?
Serge : Pas avec Khaled. Par contre, depuis début janvier, je joue avec un trio (NDR : Marc Sens à la guitare et Cyril Bilbeaud, ex-Sloy, à la batterie). En duo, je trouve ça facile. En quatuor, n'en parlons pas : quand il y a une section rythmique basse-batterie, le guitariste lead peut déraper, c'est sans conséquences, il y a une structure derrière qui tient la route. Ça te permet même d'essayer des choses à priori aberrantes. Le trio, c'est un exercice que je ne connaissais pas et qui m'a toujours fait fantasmer de par son énergie. Pour que ça fonctionne vraiment bien, de façon la plus élémentaire, sans emphase, tu n'as droit ni à l'erreur ni au surplus. Il faut donc que je bosse, car je n'arrive pas à faire ce que je veux. Marc Sens est un vrai performer, dans le sens où ce n'est pas quelqu'un qui cherche à reproduire quelque chose. Il utilise son langage et le réinvente en permanence. Je ne suis pas de cette école. Je suis très structuré, même si avec Noir Désir je pouvais me permettre de ne pas l'être. Mais en fait, tout ce que je fais est excessivement réfléchi, pratiqué et mesuré. Il faut que je trouve des solutions pour pouvoir évoluer, que je pratique pour progresser, pour que mon langage s'élargisse et soit valable en trio.

Depuis quelques temps, tu enchaînes les projets. D'où t'est venu ce déclic ?
Serge : Je me sens libéré, davantage capable d'essayer de faire des choses. J'ai plus confiance en moi en gros !

Ces projets de rencontres s'inscrivent plus ou moins dans l'éphémère. Est-ce en réaction à votre expérience de groupe qui vous a engagé sur le long terme ?
Serge : Pas du tout, car comme le disait Rodolphe, ça a été une école. J'ai évidemment tout appris avec Noir Désir...
Rodolphe : Quand j'ai commencé à faire des choses en solo (NDR : "Cheval mouvement" en 93), ce n'était pas par envie d'aller ailleurs. C'était lié à des questions autour du chant. Quand tu es chanteur d'un groupe, tu es porte-parole, tu te sens dépositaire d'un collectif où il est difficile d'y amener une parole intime, des choses personnelles. J'ai fait "Cheval mouvement" pour aller chercher des choses différentes du côté de la langue, pour travailler un autre type de texte, mettre le chant et la musique, qui reposait essentiellement sur des guitares, dans un équilibre à 50 / 50. Et ça, je ne pouvais le faire que seul.

Justement, le chant a dû également participer à la construction de votre jeu de guitare ?
Rodolphe : D'une manière générale, ce qui me plaît, et qui transparaît dans le blues, c'est lorsque le musicien essaie de chanter comme la guitare et de jouer comme il chante. Tout finit par se mêler, au point où on ne sait plus qui fait quoi. James Blood Ulmer justement a une conception "tchatcheuse" de la guitare et de la voix. Ça discute. On ne sait pas exactement ce que ça raconte, mais ça cherche à dire !
Serge : Dans Noir Désir, je travaille ma guitare en fonction de ce que font les potes. Quand je bosse avec un chanteur, je trouve normal d'être au service du chant, d'essayer de le mettre en valeur, de faire des guitares en contrepoint. Il y a des morceaux qui permettent ça, comme "A l'endroit à l'envers" ou "Le vent nous portera", et c'est un vrai plaisir. Chez Rodolphe, ce que j'aime beaucoup, c'est cette interaction entre la façon dont il chante et celle dont il joue. C'est mouvant. La voix navigue dans des trous laissés par la guitare, et inversement, lorsque le chant s'arrête, la guitare repart de façon fulgurante, très forte et très électrique. Rodolphe excelle dans tout ce qui est tension / relâchement.

Toi tu t'inscris dans le parler, le chant ne t'attire pas ?
Serge : Pas spécialement. Aussi parce que je ne sais pas du tout le faire. Et puis j'écoute davantage de groupes de rap que de rock finalement. Depuis longtemps, c'est ce qui me nourrit le plus.

Au niveau des textes, on retient le fond chez Serge, et la forme chez Rodolphe, ce jeu avec la langue et le son...
Serge : Il faut qu'il y ait les deux, ce qui n'est pas évident à trouver. Je cherche tout le temps. J'en ai également monté quelques-uns, juste pour le plaisir.
Rodolphe : Pour ma part, c'est un truc qui remonte à l'adolescence et au rock, qui est à l'origine de mon envie de faire de la musique. Dans le rock, la voix est prise dans le mixage, dans un son global. On n'est dans un rapport différent de la tradition continentale de la chanson, française notamment, dont j'avais un rejet absolu quand j'étais môme. La musique était toujours en position d'illustration, seul le sens importait. Avec le français, il y a inévitablement une espèce de charge, de surplomb, difficile à casser. C'est pour cela que j'ai travaillé avec des écrivains. Pas pour faire du rock littéraire, comme on a pu le dire. Ces gens sont eux-mêmes dans un travail de recherche sur la langue et peuvent apporter des solutions. Effectivement, je m'intéresse moins à des écritures qui sont l'expression immédiate d'un message ou d'une émotion. Ce n'est pas pour autant que les textes que je chante n'ont pas de sens, mais il est joué autrement. Lorsque j'ai reçu le texte de "Cheval mouvement", j'étais comme une poule devant un couteau... Je voulais à tout pris en faire quelque chose, et en même temps, ça me paraissait impossible. Au fond, j'ai eu l'impression d'être comme un rappeur qui recherche une manière de découper la langue.

On parle de recherche, mais avez-vous l'impression d'expérimenter ? Et dans ce cas, quelle place accorder au public ?
Serge : Très sincèrement, je m'en fous (rires). Je n'ai jamais triché et il est hors de question que ce soit autrement. Tant pis si je touche moins de gens. Au départ on fait ça pour soi. Une fois qu'on a les bonnes sensations, on peut le faire écouter à d'autres. La démarche, c'est l'envie. C'est elle qui fait avancer. Et en tant que musicien, on revendique la liberté de chercher.
Rodolphe : Moi, je n'ai pas du tout l'impression de faire de l'expérimental, même quand je fais des choses qui ont l'air barré par rapport à des codes reçus. Je fais une musique qui est toujours en contact avec une sensation et avec le live, que j'intègre au maximum dans mes productions. Pour les disques avec Cadiot (NDR : écrivain et auteur pour Rodolphe Burger) par exemple, on part tous les deux en expédition dans un endroit, puisque c'est le principe, rêver ensemble à un album. D'emblée c'est chaud, c'est une fête, pas un truc où les mecs se prennent le chou. Même à deux, on reste public l'un de l'autre. Sur "Hôtel Robinson", au retour de l'Ile de Batz, on a fait des séances d'enregistrement à Paris où l'on a invité du monde, afin de donner un contexte live à la prise. J'ai le souvenir d'une expérience similaire avec Kat Onoma sur l'enregistrement de "Radioactivity" de Kraftwerk. Auparavant on avait fait une version sécurisée. Quand tu écoutes les bandes, musicalement c'est pareil, mais pas tout à fait. Tout d'un coup, quelque chose est là, qui relève de l'esprit. Le morceau prend son contour, car il est adressé...
Serge : Dès que tu es devant un public, tu joues différemment de toute façon. Il se passe toujours quelque chose. Ce moment se doit d'être vrai : c'est la recherche de l'émotion.

Dans ce cas, le disque n'est plus un objet de création, seulement un témoignage...
Rodolphe : Je ne les considère pas simplement comme une trace ou une archive. Il faut qu'il y ait quelque chose en plus pour que j'ai envie de les sortir. On ne sort pas tous les enregistrements live par exemple ! Ça dépend vraiment des cas. Le premier avec Cadiot (NDR : "On n'est pas des indiens...") est véritablement une archive. On a d'abord fait un spectacle, puis France Culture nous a invités à jouer sur son antenne. C'est cette émission qui est parue sous forme de disque. Mais je ne l'aurai pas sorti, s'il ne m'était pas apparu de ça, une narration, un effet d'ensemble... Les albums de Kat Onoma par exemple, ce ne sont pas à proprement parler des concept-albums, mais on a essayé de chiader leur composition. Car ça se compose un disque ! C'est pour ça que j'ai beaucoup de mal avec les compiles. Un album doit avoir une unité !

Serge, les lieux et la Syrie ont-ils influé sur tes compositions ?
Serge : De fait, c'est une démarche spontanée. Il faut être perméable. Je ne crois pas au hasard, mais tu le provoques par des rencontres, en allant sur des zones ou des choses inattendues peuvent arriver. Avec Khaled, c'est ce qu'il s'est passé. Nous sommes parti de zéro. Les choses ont jailli d'elles-mêmes. On a fait un titre par jour, composé à tour de rôle comme par politesse, avant de les développer ensemble. En dix jours, l'album était fait. Ça a été très rapide. Plus dix jours d'enregistrement, mix compris.

Comment est née cette rencontre ?
Serge : Le oud est un instrument qui m'intéressait au point que je m'étais dit que j'allais apprendre à en jouer. Je suis allé voir un fabricant à côté de chez moi, j'ai essayé et me suis rendu compte que ce n'était pas pour moi. Il fallait que je prenne des cours, que j'oublie tout ce que je savais, que je reparte à zéro... A Damas, un pote, Bernard Wallet, a eu l'opportunité d'entendre Khaled en solo. Il est allé le voir à la fin du concert et lui a demandé si ça l'intéresserait de jouer avec un guitariste européen. A son retour, il m'en a parlé et nous a mis en contact.

Cet attrait pour le oud était-il exceptionnel ou as-tu déjà été attiré par d'autres instruments, rencontrés lors d'un voyage par exemple ?
Serge : Je n'ai pas eu à voyager bien loin... Je suis allé dans Paris (rires) où j'ai trouvé un mec qui fabrique des guitares sitar. C'est une guitare européenne classique, qui a été modifiée : il ne lui reste que trois cordes. Pendant un break du groupe, je ne jouais que de cette guitare-là. Je m'en suis très peu servi finalement. Il y a un passage à la fin de "Noir sur blanc" sur le Hyvernaud (NDR : album "On croit qu'on en est sorti"). Et pour le concert de Rodolphe au Bataclan sur lequel j'intervenais, j'avais imaginé à l'intérieur d'un de ses morceaux, une ligne mélodique, forcément orientale déjà. Pour l'instant elle est pétée. Mais j'aimerais bien faire un projet uniquement avec cette guitare-là.

Vous parlez souvent d'élargir le langage, la composition pour autrui doit y contribuer...
Rodolphe : C'est très curieux, car ça marche dans les deux sens. Françoise Hardy est la première qui m'ait proposé de composer pour d'autres personnes que le groupe. Je ne savais pas comment m'y prendre, mais elle m'a facilité les choses, car elle savait exactement ce qu'elle voulait. Elle me donnait des références de morceaux que j'avais faits, en précisant les esprits mélodiques qu'elle aimait. Ce titre, "La beauté du diable", a été téléguidé, "télépathé" par elle. Je me suis contenté d'essayer de lui proposer ce qu'elle disait aimer... Bashung, c'est aussi une histoire de télépathie, mais complètement différente. A la base, "Samuel Hall" est une chanson qu'on n'a pas réussi à faire aboutir avec Kat Onoma. Et puis au moment où j'ai voulu chanter, j'ai halluciné, car j'allais inévitablement le faire à la manière d'Alain. Plus tard je lui ai raconté cette histoire, à quoi il m'a répondu qu'il faudrait que je le lui fasse écouter. Puis, j'en ai fait une version différente, minimale, en vue de mon album solo. On s'est de nouveau croisé, lui ai reparlé de ce titre, qu'il n'a pas voulu entendre, étant lui-même en plein "Fantaisie militaire". Et je ne sais absolument pas pourquoi, quelques jours plus tard il me rappelait. Je lui fais donc écouter ma démo, et là il me dit : "C'est dans l'album". On a gardé exactement les trucs que j'avais enregistrés. Il a posé sa voix dessus et point barre. Ça ne lui arrive jamais normalement, mais il a adopté le morceau... Après Jeanne Balibar, c'est encore autre chose. C'est assez délicieux comme expérience : écrire tout un album pour quelqu'un, proposer des choses à une personne, qui s'en empare et s'y retrouve. C'est un autre type d'exercice qui élargit ton travail. J'ai fait des choses beaucoup plus mélodiques que je ne me permets pas pour moi.

Serge, comment as-tu procédé avec La Rumeur sur le titre "Paris nous nourrit, Paris nous affame" ?
Serge : Par étapes... J'avais bossé des trucs de mon côté sur lesquels ils ont posé les voix, mais ça ne fonctionnait pas. Ils ont donc retravaillé le morceau de leur côté, puis m'ont envoyé les bandes musicales. Là encore pour moi c'était difficile, d'autant que leur musique est très dénudée et que c'est le mélange avec les voix qui fait que ça devient un titre de La Rumeur. J'ai donc appelé Ekoué pour qu'il reconnaisse, parmi tout un tas de choses que j'avais faites, ce qui était bon pour eux. Une fois qu'il m'a donné la direction à suivre, j'ai pu me glisser dedans et épurer au maximum. J'aime beaucoup travailler de la sorte, car c'est un vrai travail en commun. A la guitare, il y a très peu de choses qui fonctionnent avec du chant. Il faut essayer de trouver les bonnes et être super juste dans l'intention de chaque note. En somme, c'est ta personnalité que tu mets sur telle ou telle ligne mélodique.

Rodolphe, que retiens-tu de ce travail avec Erik Marchand, toi qui n'as pas une curiosité naturelle pour la musique bretonne ?
Rodolphe : Je l'ai vécu sous la forme d'un paradoxe total. J'admets volontiers que la musique bretonne est une musique vivante. J'adore la Bretagne, les Bretons et leur rapport à la musique, qui est une véritable nourriture pour eux. Après tout ce qui tend à surnager de ça, - le biniou, l'idéologie du pays intérieur, le celtique -, je m'en méfie au plus haut point. D'une manière générale, tout ce qui est régionalisme et nationalisme, je ne le supporte pas. Quand en plus ça se mélange à la musique, c'est horrible ! Jamais je n'aurai imaginé un jour faire un disque avec un chanteur breton, en breton qui plus est. Mais c'est cette personne-là, pas une autre... C'était génial justement l'an passé aux Vieilles Charrues. Naïvement, j'avais voulu réunir James Blood Ulmer et Erik Marchand sur un même set. Mais quand James a vu, ne serait-ce que l'ombre de la moustache d'Erik, il n'a rien voulu savoir (rires). Finalement, ils ont littéralement scotché sur ce que faisait l'autre, au point qu'à la fin de leur prestation, ils se sont témoigné une véritable admiration mutuelle. Géné, Erik s'est alors présenté comme un simple chanteur traditionnel. Blood lui a démontré l'inverse. Il a très bien compris qu'Erik venait de là, mais il a surtout vu, qu'il est le seul à chanter comme il le fait. Erik m'a permis de vérifier que la musique n'est jamais une histoire de genre, que tout est absolument possible. Cela ne veut pas dire que je prône le grand mix général. Les musiques ont chacune leur logique, leur code. Les musiques modales fonctionnent d'une certaine manière et on ne peut pas faire n'importe quoi avec. Mais quand on a affaire à un musicien, quelque soit sa culture, si on est intéressé par la même chose, si on a l'oreille pour, à un moment donné on s'accorde sur un troisième terme, qui est la musicalité. C'est une notion mystérieuse. Ça ne se discute pas, ça ne s'exprime pas, ça se vérifie !

Dès à présent vous êtes sur les routes pour tourner ces morceaux. Et ensuite, quels sont vos projets ?
Rodolphe : Dans les mois à venir, je fais des concerts en alternance avec Erik Marchand, Jeanne Balibar, le Meteor Band, James Blood Ulmer ou encore un ciné-concert avec Marco de Oliveira. Sinon, je travaille à l'arrangement musical d'une pièce de Bertolt Brecht, composée par Hans Eisler : "Schweyk dans la seconde guerre mondiale". Elle est jouée à partir du mois de mai au Théâtre des Amandiers, dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli, avec Jean-Pierre Bacri dans le rôle de Schweyk. Et puis pour le festival "C'est dans la vallée", fin mai, je prépare quelque chose avec Alain (NDR : Bashung), ainsi qu'un projet de création avec une chanteuse mauritanienne.
Serge : Avec Khaled, on tourne "Interzone" en février, puis en avril et sûrement en été sur des festivals. Avec le trio, on a également un projet au théâtre avec le réalisateur Laurent Laffargue, où on serait l'élément central de la pièce, mais sans être mis en scène. Les disciplines vont sûrement finir par se croiser, c'est donc hyper intéressant. Sinon il y a la musique de "Magma", second film de Pierre Vinour et une carte blanche pour France Culture cet été... Mais dans l'immédiat, on termine avec Jean-Paul et Denis le mix du live de Noir Désir, vingt-huit morceaux qui devraient sortir en septembre, en même temps qu'un DVD. Et puis il va bien falloir un de ces quatre avec Rodolphe, qu'on se prenne trois mois pour monter un projet ensemble. Depuis le temps qu'on le dit. C'est vrai que nos guitares se complètent super bien en plus.

Propos recueillis par Bruno Aubin et Sylvain Fesson
Khaled AlJamarani / Serge Teyssot-Gay : "Interzone" (Barclay / Universal)
Erik Marchand vs Rodolphe Burger (avec Mehdi Haddab et Le Meteor Band) : "Before Bach" (Dernière Bande / Wagram)

Le 28/02/2005, propos recueillis par Bruno Aubin



Pour une actualité plus recente des 2 bonhommes, vous avez le choix .
 Vous pouvez faire un tour sur le site de Dernière Bande (ou vous retouverez tout les albums de Kat O, de Rodolphe mais aussi la divine Balibar ect ect..), mais aussi vous balader chez Sergio, soit sur son site soit sur son myspace 


Publié dans Oreille

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